Arrêtez-moi (Albin Michel, 1er octobre) by Gardner Lisa

Auteur:Gardner, Lisa
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2014-10-03T21:00:00+00:00

Ça n’a pas été tout seul. Il fallait passer au tamis mes souvenirs de lycée, ce qui, même par vent favorable, relevait du défi. Je sais que certains seront capables de vous dire le nom du chat qu’ils avaient quand ils avaient quatre ans, mais moi pas. Je ne me souviens tout simplement pas. Ni des bonnes choses ni des mauvaises. Ni d’il y a vingt ans ni d’il y a vingt jours.

Si la mémoire est un muscle, la mienne avait été consciencieusement atrophiée par une constante absence d’exercice.

Ajoutez-y que le capitaine O. me mettait au supplice. Avec sa façon de m’interroger pour ensuite décortiquer mes réponses comme si elle savait de toute façon que j’avais quelque chose à cacher. Je me sentais à la fois

fautive et pleine de remords. Je la décevais. Je ne l’aidais pas ; j’aurais dû plus vite me souvenir, mieux répondre, tout confesser.

Le fameux duo bon flic/méchant flic, me suis-je dit. Les deux enquêtrices s’entendaient à me manipuler, mais elles n’obtenaient pour tout résultat qu’un témoin très fatigué et de plus en plus déboussolé, qui en toute honnêteté ne se souvenait pas de son enfance.

En fin de compte, nous avons cherché mon lycée sur Google et trouvé des archives qui contenaient d’anciens annuaires numérisés.

En me concentrant, j’ai réussi à identifier une dizaine de filles qui évoluaient dans l’orbite de notre trio – certaines, amies de Randi, d’autres de Jackie. Aucune de moi. Même en revoyant les photos de mon équipe de ski nordique, je ne reconnaissais pas la moitié des filles, j’étais incapable de donner leur nom.

Randi et Jackie avaient réellement été mon univers tout entier. Loin d’elles, je ne faisais que passer le temps. Avec elles, la Terre se remettait à tourner.

Je me suis demandé si elles en auraient dit autant. Est-ce qu’elles appréciaient vraiment de passer tous leurs week-ends à donner un coup de main chez ma tante ? Est-ce qu’elles se précipitaient vraiment pour prendre mes coups de fil à vingt-deux heures parce que j’avais pensé à une dernière chose à leur dire ?

Peut-être que je n’étais pas le ciment qui avait maintenu la cohésion entre nous. Peut-être que j’étais un boulet lourd à traîner. Et que c’était pour ça que nous nous étions perdues de vue après nos dix-huit ans. Elles étaient contentes de m’échapper enfin.

Les enquêtrices ont noté des noms et d’autres renseignements. Elles voulaient des informations personnelles sur Randi, des détails que seule une bonne amie pouvait savoir sur Jackie. Ses surnoms, ses expressions préférées, les chansons, les émissions, les films, les animaux qu’elle avait eus dans son enfance.

Je savais répondre à toutes leurs questions. J’ai essayé de me dire que c’était révélateur. Je n’avais pas seulement aimé mes amies. Je les avais connues. Écoutées, comprises, entourées d’affection.

Jackie et Randi, je m’en souvenais.

Mais il était de plus en plus difficile de remonter mon moral en berne ; à mesure que les enquêtrices retournaient mes amitiés d’enfance dans tous les sens, je me sentais de plus en plus vide. Comme

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